Au Conseil de Paris, ça castagne dur depuis quelques mois. Objet du conflit : les subventions accordées par la Mairie de Paris aux Scouts d’Europe.

 
 

La fronde est animée par Sylvie Scherer, Cécile Silhouette (élues EGALE, Ensemble pour une gauche alternative et écologiste) et Martine Billard (élue Verte). Certes, les sommes engagées dans l’affaire peuvent paraître dérisoires : 8000 F en 1997, 6000 F en 1998. Une goutte d’eau dans les 696 000 F consacrés au budget de fonctionnement de la jeunesse et les sports à Paris en 1998. Mais cela n’enlève rien au caractère symbolique de la lutte1Car  si un scout, ça prête plutôt à sourire - comment ne pas être désarmé devant la chaussette pure laine vierge couvrant le mollet galbé, le foulard à rayures et les pin’s rompant, par quelques touches colorées, l’impeccable monotonie de la chemisette kaki ? - il existe, au-delà de l’image d’Épinal, plutôt rassurante et un tantinet ridicule, tout un univers nébuleux de groupes se revendiquant du scoutisme2.

L’essence de la foi
Parmi eux se trouvent les Scouts d’Europe3 D’ailleurs, les statuts de l’association annoncent clairement la couleur dans leurs articles 1 et 2 : «Les Guides et Scouts d’Europe, de la Fédération du Scoutisme Européen, constituent au plan national un mouvement couramment désigné par le sigle FSE, dont le but essentiel est de former des jeunes par la pratique du scoutisme authentique de Baden Powell4sur les bases chrétiennes qui sont le fondement de la civilisation européenne […].Une telle éducation suppose une saine culture des traditions de chaque peuple et des valeurs nationales qui représentent les divers modes d’expression du patrimoine commun de l’Occident» et : «L’Association fait profession de foi catholique romaine. Elle pose l’ensemble de ses actes et de ses décisions selon les règles de cette foi». À cela s’ajoute la revendication de la non-mixité dans le but de : «développer le caractère différent de l’homme et de la femme, chacun dans son domaine, afin de respecter les différences, les vocations spécifiques, les identités propres du garçon et de la fille» et l’apologie du militarisme : «certes l’uniforme, le cérémonial des couleurs, les raids d’exploration, les épreuves, la Promesse, la Cour d’Honneur, tout cela peut, à notre époque, étonner des hommes plus habitués au laisser-aller et au farniente beaucoup plus répandus que l’ordre et l’effort. Le scoutisme : c’est former des hommes de caractère».

C’est pas moi, c’est lui
Guère étonnant, à la lecture de cet affriolant programme, que les Scouts d’Europe appartiennent à une fédération parallèle du scoutisme, la Fédération du Scoutisme Européen (FSE), qui n’a même pas été reconnue par la Fédération du Scoutisme Français5seule organisation agréée par les deux instances internationales du scoutisme que sont l’Organisation Mondiale du Mouvement Scout (OMMS) et l’Association Mondiale des Guides et Éclaireurs (AMGE). Guère étonnant non plus qu’un certain nombre d’élus-es se demandent s’il est normal que ce type d’associations soient financées sur des fonds publics. L’affaire aurait pu en rester là, après le vote de la subvention 1998 par le Conseil de Paris. Mais badaboum ! Voilà qu’un père de famille tout ce qu’il y a de plus propre sur lui porte plainte contre les Scouts d’Europe pour propagande raciste et xénophobe. Son fiston, membre de l’association, aurait reçu des publications peu ragoûtantes. Et la polémique de rebondir sur un autre aspect du problème : l’agrément ministériel. C’est d’ailleurs cet agrément, émanant du Ministère de la Jeunesse et des Sports, qui avait permis à la Mairie de Paris de se dédouaner de velléités de financement. Chez Marie-George Buffet, on rit jaune. Interrogé par La Vache Folle, le ministère contre-attaque en rappelant que l’agrément est bien antérieur, que les subventions ministérielles ont cessé depuis et qu’une enquête administrative de l’Inspection Générale a été ouverte après réception, le 23 décembre 1998, du président de l’association des Scouts d’Europe, M Baudoin Caillemer. Enquête qui devrait normalement déboucher sur la fin de l’agrément ministériel. Les Scouts d’Europe, eux, fidèles aux pratiques de leur mouvance, n’attendent pas les résultats de l’enquête pour menacer. Les trois élues qui avaient contesté l’octroi des subventions du Conseil de Paris, ont reçu une lettre les engageant à ne pas oublier la définition d’un délit de diffamation. Heureusement, Yann Cotten, délégué national à la communication et aux relations publiques et “premier prix de l’École du rire” nous apprend dans cette lettre que les Scouts d’Europe défendent «une stricte neutralité politique et un absolu devoir de réserve». Voilà qui nous rassure !

Madeleine Carbonel



 

1 Le  Conseil de Paris avait déjà  subventionné des associations appartenant à la mouvance anti-avortement comme SOS-Grossesse. (retour)
2 Des groupes à implantation nationale comme la Fédération Ordre Scout, l’Association Française des Scouts et Guides Catholiques, les Guides et Scouts Godefroy de Bouillon, les Scouts Libres d’Europe, les Randscouts et les Randguides, l’Association Europa Scout, l’Association Aventure et Tradition, les Cadets de France et d’Europe ou les Scouts d’Europe Jeunesse...(retour)
3 Les Scouts d’Europe furent crées en 1958. À partir de 1965, le mouvement opère un tournant intégriste sous l’égide de Pierre Géraud-Keraod. Leur nouveau créneau : renouer avec l’Occident chrétien dans le respect orthodoxe de la foi catholique.(retour)
4 Ce qu’on appelle généralement scoutisme a été fondé par lord Baden-Powell en 1907. Le caractère un peu militaro des “éclaireurs” n’est pas sans lien avec l’expérience du lord pendant la guerre des Boers.(retour)
5 La FSF rassemble six associations d’obédiences différentes : les Éclaireurs et Éclaireuses de France, les Éclaireurs et Éclaireuses Unionistes de France, les Éclaireurs et Éclaireurs Israëlites de France, les Guides de France, les Scouts de France et les Scouts Musulmans de France.(retour)



 
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