Bilan “globalement positif” pour le gouvernement : 63 000 déboutés fichés et livrés à l’arbitraire préfectoral. Certaines démarches permettent toutefois d’échapper à la reconduite à la frontière. 
Mode d’emploi.

Indésirables entre tous : les célibataires. Pour éviter l’aller simple sur Air France avec scotch sur la bouche et mains liées, ils doivent apporter la preuve de 10 ans de résidence en France ; 15 ans pour les Algériens et Tunisiens, histoire de hâter leurs retrouvailles avec leurs pays d’origine.
Depuis l’annonce des premières régularisations et la publication de la circulaire de rattrapage, la ligne s’est encore durcie : dès lors qu’une demande est refusée, les préfectures notifient systématiquement un arrêté de reconduite à la frontière (APRF), sans même attendre les résultats des recours. Cette décision autorise le placement de l’étranger en centre de rétention, avant de le mettre dans l’avion. S’il reçoit l’APRF par courrier, l’étranger dispose de sept jours consécutifs et pas un de plus pour que son recours parvienne au tribunal administratif de la juridiction où se trouve la préfecture (attention, le cachet de la poste ne fait pas foi pour une fois !). En revanche, s’il est arrêté, il n’a que 48 heures pour le faire ; le tribunal statuera alors dans les 24 heures. Ce recours est important car il est suspensif. Et l’affluence des demandes oblige désormais le tribunal à reporter les audiences de plusieurs mois. Pendant ce temps, l’étranger est protégé de l’expulsion s’il conserve sur lui les preuves du dépôt du recours (copie de la demande tamponnée par le tribunal, récépissé du fax, etc).

Un Malien malin en vaut deux
Le dossier de recours (voir modèle ci-dessous) doit comporter une copie de l’APRF et une lettre qui conteste l’arrêté de reconduite. Inutile d’y faire valoir trop d’arguments juridiques, l’avocat devra s’en charger lors de l’audience. Il dispose en effet de plusieurs armes. Premier cas : les vices de procédure. Un arrêté expédié à une ancienne adresse alors que la préfecture a été prévenue du changement constitue un mobile d’annulation. Même chose s’il parvient à son destinataire avant que le refus de régularisation lui ait été notifié. Deuxième possibilité : invoquer le non-respect de la Convention européennedes droits de l’Homme et de sauvegarde des libertés fondamentales (CEDHSLF). Par exemple, un sans-papier désireux de se marier (avec une personne en situation irrégulière ou non) peut en apporter la preuve par une attestation ou un certificat de concubinage délivré gratuitement en mairie. Il pourra alors motiver son recours en s’appuyant sur l’article 8 de la CEDHSLF relatif à la protection de la vie privée et familiale. De même, un étranger malade ou susceptible d’être torturé ou incarcéré en cas de retour au pays, pourra rappeler l’existence de l’article 3 de la Convention sur la protection contre les traitements inhumains et dégradants.
Cependant, seules les personnes correspondant exactement à ces cas peuvent espérer une annulation de l’arrêté de reconduite à la frontière. Il est en effet assez difficile de battre les fonctionnaires préfectoraux sur le terrain des arguties procédurières ; quant aux tribunaux administratifs, leur appréciation de la Convention des droits de l’homme est dictée par le Conseil d’État, soucieux des états d’âme de Tibéri, Chirac ou Dumas mais assez peu de ceux de Mamadou.

Mon consul est sourd
Reste un moyen : faire en sorte que le consulat ou l’ambassade du pays d’origine ne reconnaisse pas son ressortissant. Comment ? En affirmant avoir perdu son passeport, sa carte d’identité ou sa carte consulaire. Par cette démarche, le débouté n’a pas à mentir sur son identité, ce qui pourrait le conduire tout droit au tribunal pénal pour falsification. S’étant déclaré à la préfecture lors de la demande de régularisation, il peut continuer à décliner son nom tout en évitant soigneusement de produire ses papiers “perdus”. Mais attention, il s’agit d’être persuasif : des déclarations inexactes ou la non-présentation des documents de voyage sont passibles de peines allant jusqu’à trois ans de prison assorties d’une interdiction de séjour.
En définitive, la procédure la plus efficace pour éviter la reconduite à la frontière consiste à se comporter comme un véritable “sans papiers” et à aller jusqu’au bout de cette logique qui dénie à 63 000 personnes toute existence officielle.

Alain Fride

 
 
 
RECOURS EN EXCÈS DE POUVOIR

Nom - prénom
Date et lieu de naissance
Nationalité
Adresse
Date et heure

Monsieur le Président du tribunal 
administratif de ............................


Monsieur le Président,

   Je conteste l’arrêté de reconduite à la frontière en date du ................. qui m’a été notifié 
le ............... (pièce jointe). Par conséquent, je dépose un recours contre cet arrêté.
   Je souhaite m’expliquer sur ma situation et vous ferais parvenir dès que possible un mémoire complémentaire pour développer mes motifs d’annulation.
   D’autre part, au cas où je ne pourrais pas me présenter avec l’avocat de mon choix lors de l’audience, je sollicite l’assistance de l’avocat de permanence.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de mes salutations respectueuses. 

Signature



 
<
>