Plus excitante que les tribulations sentimentalo-sexuelles des têtes couronnées, les faits et gestes de nos élus, rapportés en direct de sous les lambris par des taupes de la Vache.

5 heures 30
Le réveil retentit chez M. Ledéputé. Une douche, un café, la cravate du mardi et il saute dans sa voiture pour filer à l'aéroport. Mme Lesénateur réveille doucement son mari : le pain est grillé, le café est passé. M. Lesénateur a une petite heure pour se préparer avant que son chauffeur du Conseil Général le conduise à son avion.

8 heures
Dans les nuages, M. Ledéputé, après avoir dévoré l'Équipe, survole Libération et Ouest France. M. Lesénateur parcourt la Dépêche du Midi, histoire de voir s'il n'y a pas une photo de lui inaugurant une gendarmerie. Chance ! Un bel encart est consacré à l'événement et M. Lesénateur se réjouit d'y voir son plus beau profil.

9 heures 30
M. Lesénateur atterrit tandis que M. Ledéputé est attendu par son collaborateur à l'Assemblée. Le bureau est très sobre, presque austère. Pour toute décoration, une affiche de la Déclaration des Droits de l'Homme et une photo de son équipe parlementaire. Jeune, dynamique, souriant mais pas trop, les dents proches du parquet et un peu à l'étroit dans son costume tout neuf, il a le profil du poste. M. Ledéputé jette un œil sur son courrier puis fait le point sur sa journée.
M. Lesénateur est accueilli par son assistante parlementaire dans son bureau feutré : «avez-vous fait bon voyage ? N'avez-vous pas pris froid ?...». Maternelle, serviable, faisant preuve de goût dans le choix de ses tailleurs, l'air maligne mais pas trop, elle a vraiment le bon profil. Installé sous le portrait de Mitterrand, M. Lesénateur entame sa journée de travail. Il appelle le Conseil Général, puis la Mairie, puis sa femme, puis sa fille...

11 heures
M. Ledéputé est en pleine réunion du groupe socialiste à l'Assemblée. Il bataille pour le mandat unique des élus, contre la majorité du groupe. Pendant ce temps, son assistant prépare des amendements pour la loi de Finances. M. Lesénateur accueille ses invités : son ancienne secrétaire de Mairie avec son mari et son fils. Moment fort de la semaine : la visite du Sénat. Le petit groupe gravit l'escalier d'honneur et découvre la Salle des Conférences, immense lieu de passage où se propagent les bruits de couloirs et s'échangent sourires malveillants et poignées de mains moites. M. Lesénateur leur montre ensuite l'hémicycle et, non sans fierté, son pupitre sur lequel est gravé son nom. Détour fait par le salon de coiffure (75 francs la coupe homme) et le buraliste auquel on achète stylos et briquets est ampillés “Sénat”, il est grand temps de se rendre à la buvette. Devant un verre de Badoit (1 franc 50), M. Lesénateur décrit son labeur quotidien au Parlement.

12 heures 30
Notre élu conduit ses convives au restaurant. En dégustant un vin qui ne trahit pas la réputation de la cave sénatoriale, on devise sur la fille du boulanger et la mort du gardien de chasse. M. Ledéputé déjeune en tête à tête avec son collaborateur au restaurant de l'Assemblée. Même si l'on y mange nettement moins bien qu'au Sénat, la vue dégagée sur les toits de Paris confère un certain charme à ce réfectoire parlementaire. Après avoir longuement hésité entre un médaillon de lotte et un magret de canard, la discussion hebdomadaire sur la section socialiste de M. Ledéputé part sur les chapeaux de roue : les fabiusiens ont encore fait des leurs et la guerre s'annonce impitoyable pour les élections municipales de 2001.

14 heures
Le groupe socialiste du Sénat démarre sa réunion hebdomadaire. Martine Aubry est venue présenter son projet de loi contre les exclusions. M. Lesénateur ne tient plus : le coq au vin qui ne passe pas. Il s'endort dans l'hilarité contenue des assitants parlementaires. Michel Charasse fait bruyamment son entrée, le cigare aux lèvres, tandis que Jean-Luc Mélenchon joue encore les trublions (il faut bien que jeunesse se passe !). Les questions d'actualité débutent à l'Assemblée. La télé est là, les députés aussi. M. Ledéputé intervient sur le sujet poignant de la tarification de l'accès à Internet.

16 heures
M. Ledéputé a trois réunions en même temps. À la commission d'enquête parlementaire et au groupe socialiste de travail sur la réforme de la Justice, il préfère aujourd'hui la réunion de la commission des lois. Épuisé, M. Lesénateur retourne dans son bureau boire un Orangina et faire une sieste. À son réveil, il regarde la chaîne cablée interne qui retransmet les débats de l'hémicycle. On discute de l'AMI. Monsieur Lesénateur demande à son assistante : «Qu'est-ce que l'Accord Multilatéral sur l'Investissement ?». L'assistante commence l'explication mais il l'interrompt : «Ah ! oui... l'AMI, j'en ai entendu parler».

19 heures
M. Ledéputé se prépare pour aller dîner chez des amis. Puis il retourne dans son bureau de l'Assemblée, déplie son lit en kit et s'endort. M. Lesénateur dîne tranquillement à son hôtel et s'installe devant un bon match de foot. Il sombre dans les bras de Morphée. C'est la défaite de la France qui perd 2/O.

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