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Série Zoo1(n°2) : Sortie dominicale des anti-PACS. La droite se rassemble et s’encanaille sur le pavé parisien. |
Les
7 novembre 1998 et 31 janvier de cette année, à Paris, les
associations familiales catholiques, les mouvements anti-avortement, des
élus bien réactionnaires, le FN, l'Action Française,
et quelques scouts et curés en soutane avaient rendez-vous. Colorés,
ils étaient venus pour MA-NI-FES-TER en musique. Peu habitués
au pavé parisien, s'ils se rassemblaient en dehors des heures de
messe, c'est que pour ces drôles d'oiseaux l'heure était grave.
À l'appel d'un Collectif pour le mariage et contre le PACS
emmené par la députée UDF Christine Boutin, représentante
auto-désignée du Pape à l'Assemblée, ces braves
gens scandaient : «Tasca, ton PACS, on n'en veut pas »,
«couples
pacsés, enfance trompée», «deux papas,
deux mamans, bonjour les dégâts», ou mieux encore :
«les
frères, les sœurs, et pourquoi PACS un raton-laveur ?».
«Vi-veu-vi-veu,vi-ve les mariés !»
Des sonos puissantes, hissées sur des 33 tonnes loués
pour l'occasion, faisaient danser de jeunes têtes blondes (sur la
Macarena par exemple), vêtues de T-Shirts multicolores avec les slogans
sus-cités inscrits en lettres blanches. Un petit côté
Gaypride rétro-80 en émanait, accompagné de musiques
telles Indochine, Etienne Daho ou même l'hymne gay I will survive
de Donna Summer 2. Beaucoup
d’adolescents pour qui, visiblement, c'est pas tous les jours dimanche
pour folâtrer en manif. Le jeunisme, en tous cas, semblait faire
rage chez tous les plus de 40 printemps présents. Hurlant, une mère
de famille en tailleur écossais s'éclatait visiblement au
micro : «pour les T-Shirts, il faut se dépêcher car
il n'y en a bientôt plus beaucoup, tellement il y a de JEUNES...
Alors, qu'est-ce qu'on nous racontait, que les jeunes étaient tous
pour le PACS, qu'ils voulaient tous se pacser... Mais non, aujourd'hui,
les jeunes disent : on ne veut pas du PACS,
on ne veut pas casquer pour le PACS : on veut se ma-ri-y-er... Vive les
mari-és, vive les mari-és, viveu-viveu-vive les mariés».
Les quadras, quinquas et plus étant nettement majoritaires, le loden
vert kaki faisait bon ménage avec l'ensemble tailleur Chanel-foulard
Hermès. Marie-Chantal avait sorti les baskets du vestiaire de son
Gymnase Club pour le week-end. Rivalisant avec la veste bleu marine et
son petit col de velours marron... Au départ du parcours, un jeune
homme bien peigné, micro en main crie aux “délégations”
de s'avancer pour former le cortège : «la Celle-St-Cloud
est avec nous », « et voici Rueil-Malmaison !».
Mais cette délicieuse impression de kermesse au Cours Ste-Thérèse
de Marly-le-Roi s’effaçait, en y regardant de plus près,
devant un côté plus musclé, genre Scout d'Europe (à
55 ans : toujours prêts !) faisant de la voile en Bretagne l'été
dernier3... Photos de
famille : un petit vieux courbé agitant le poing en beuglant sans
offusquer personne : «les pédés en prison»
; une grosse femme marchant le sourire aux lèvres, encore amusée
par l’écriteau qu'elle avait dû confectionner dans le garage
familial, avec une inscription simple, mathématique : «PS
= PD». En tête, perdu devant une nuée d'écharpes
tricolores de la droite souvent rurale, telle la cerise sur le gâteau
: Monsieur le vicomte Philippe de Villiers, son épouse au bras.
Seul pantin des Guignols présent, le vendéen était
courtisé par les journalistes qui faisaient la queue devant lui
pour s'entendre répéter : «je crois que Lionel Jospin
commence à se dire que le PACS va être son Viêtnam».
Préparé, il ne mâchait pas ses bons mots : «les
socialistes viennent de redécouvrir l'eau tiède. Pour élever
un enfant, il faut un père et une mère».
«Non au temps-PACS»
Mais de Villiers n'était pas le seul à parler dans les
rangs : François d’Aubert, Charles Millon, Patrick Devedjian, Bruneaux
Gollnisch et Megret. Florilège de phrases de bon sens recueillis
par les micros de La Vache Folle : un maire Démocratie Libérale
dissertait : «en cette période de fin de siècle,
tout fout le camp. Quand je pense qu'on vient de réhabiliter des
gens qui se sont mutinés pendant la Grande Guerre, ça fait
partie d'un tout. En tant qu'ancien militaire, je peux vous le dire, la
discipline fait la force des armées». À propos
des enfants élevés par des couples homosexuels : «ces
enfants vont avoir tout un tas de troubles, ils sont destinés à
la psychiatrie le plus rapidement possible...». Un petit homme
cherchait à rassurer : «parfois, dans un couple d'homosexuels,
il se peut qu'il y en ait un qui soit tellement efféminé,
peut-être à cause d'un accident génétique, qu'il
puisse jouer un peu le rôle de mère, c'est déjà
mieux que rien...». Raisonneur, un apprenti-juriste à
la retraite précisait : «il ne fallait pas modifier le
droit civil sur cette question car il faut penser aux droits de l'enfant...
Qu'il faille dans certains cas apporter des éléments de compassion
dans le droit fiscal, à la rigueur...». À un journaliste,
une faune de quinquagénaires enragés jetaient du : «c'est
vous qui avez monté cette affaire, c'est le PACS des radios. C'est
la gauche qui vous contrôle, c'est la merde. Ce soir, vous allez
dire qu'on était 3000 ou 4000 alors qu'en fait on est plus de 200
000 …». 130 000 selon les organisateurs, 7500 selon la police...
Et en fin de journée, un appel : «au nom du Collectif,
on va vous solliciter, soyez généreux... Les cartes bleues
ne sont pas acceptées, mais vous pouvez faire un chèque à
l'ordre du Collectif. Au nom de tous les organisateurs, merci».
En fin de cortège, relégué après le service
d’ordre du Collectif, le FN suivait, sorte de voiture-balai prête
à recueillir ceux qui s'égareraient. En tête, Le Gallou
s’époumonnait aux cris rassurants de «France, Famille,
Front National ! ».
possède des enregistrements diffusables des sons et propos recueillis lors de ces journées historiques. Nous contacter |
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